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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

me confère, que je me suis tant cherchés, auxquels j’ai senti, à dix ans, que je donnerais ma vie, quand je les demandais à la sainteté : les droits au plus grand amour possible.

Encore un article à la Dépêche de Toulouse, et le débat d’idées qui n’est pas le conflit des cœurs, et mon style polaire, etc. Qu’un homme intelligent peut donc être bête ! D’ailleurs je ne sais pas si celui-là est intelligent.

Personne plus que moi n’est payé pour trouver la vie inconsolable sans le cœur, personne n’est capable de moins ressentir les satisfactions cérébrales. La gloire m’ennuie, j’ai transposé mon jansénisme, tout mon mépris « du monde », je n’en ai rien perdu, et je sais toujours ce qui est « la Voie, la Vérité, la Vie » et ce qui ne l’est pas. Seulement, seulement, comment exprimer son cœur, si ce n’est avec ce qu’il a de plus magnifique dans le cerveau ? Oh ! la conception viscérale thoracique du sentiment !

Comme je l’écris dans cet avant-propos si incomplet, hélas ! « Le cerveau est physiologiquement le vrai cœur de tous les sentiments humains ». Le cœur, mais c’est une intelligence spéciale. Dieu me préserve de l’amour des imbéciles ! L’amour est l’art de jouir des êtres, il est fait d’attention et de pénétration bien plus que le dévouement dont il n’a aucun besoin, car aimer, c’est prendre et se laisser prendre