Page:Journal des économistes, 1844, T8.djvu/201

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l’isoler, au contraire, du contact des autres prisonniers, telle est toute la base du système soumis à la Chambre. Un grand nombre de députés ont surtout été préoccupés d’une pensée, le bien-être du prisonnier. C’est là une erreur, une base fausse de discussion ; en l’adoptant, on n’arrive qu’à faire de la philanthropie sans but et sans portée. Le but de l’emprisonnement, c’est la répression ; le moyen, c’est la gêne et non le bien-être ; voilà ce qu’on ne devrait pas oublier.

M. de Tocqueville le disait vendredi dernier : « Il ne s’agit pas d’importer en France un système plutôt qu’un autre. Il s’agit d’un système qui combine à la fois le régime pénal et la réforme. » Cette idée a prévalu, et déjà la Chambre a adopté un amendement de M. Vatout, ainsi conçu : « le régime cellulaire sera appliqué aux condamnés aux travaux forcés. »

Cette longue discussion a démontré un fait sérieux, c’est l’épouvantable désordre dans lequel sont aujourd’hui les prisons. Déjà le Journal des Économistes a signalé la turpide désorganisation morale qui envahit le prisonnier jeté au sein d’une population dégoûtante par ses vices autant que par ses crimes. C’est cette indifférence des agents qui exaspère surtout les prisonniers politiques, lorsque, sortant d’un milieu sain et honnête, ils sont jetés, pour ainsi dire, en pâture à la plus honteuse démoralisation. Grâce à la loi nouvelle, la France verra s’épurer ces foyers d’infamie, ces gymnases de crime. Nous ne verrons plus le régime actuel fournir aux grands criminels un amphithéâtre où ils professent leur science, un marche pied où ils se dressent et s’imposent à l’admiration de leurs camarades moins fameux. Nous n’entendrons plus les inexpérimentés parmi les voleurs, s’écrier : « Ah ! si je pouvais seulement passer un an ou deux aux bagnes, c’est là que je deviendrais savant. »

Le rappel de lord Ellenborough, par la Compagnie des Indes, a donné lieu, dans les deux Chambres du Parlement, à des conversations intéressantes. Lord Wellington a persisté à blâmer la conduite des directeurs, tout en reconnaissant qu’ils sont dans leur droit.

Lord Ellenborough, par son système de conquêtes, sans but et sans avantage, avait compromis les finances de la Compagnie ; son rappel était devenu indispensable. Les directeurs, au reste, ont nommé à sa place sir H. Hardinger, que le ministère anglais leur a proposé, et cette nomination, dont on attend de bons résultats, semble avoir réconcilié le gouvernement et la Compagnie. Le ministère des travaux publics vient de nommer une commission chargée de rechercher les causes des débordements des fleuves, devenus, pour ainsi dire, périodiques.

La circulaire qui accompagne l’arrêté s’effraye à bon droit du retour fréquent de ce fléau, qui semble accuser des causes devenues permanentes. Elle craint que le système de défense adopté jusqu’à présent ne soit devenu définitivement insuffisant, et provoque l’examen approfondi des causes nouvelles qui ont amené cet état de choses. Elle croit que la législation actuelle demande des modifications profondes, et veut en préparer les éléments.

Nous attendons beaucoup de bien d’une commission où figurent les noms de MM. d’Argent, de Gasparin, de M.de La Farelle, de M. Teste, de M. de Kermaingaut, de M. Dangeville, etc. Nous avons vu avec plaisir que les ingénieurs, dont la science est utile dans cette question, ne dominent pas cependant ; nous aurions craint que, négligeant un peu les causes, ils se bornassent à se défendre