Page:Journal des économistes, 1849, T23.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

228 JOURNAL DES ÉCONOMISTES. moins cher et sera moins vite ? Ce qu’il veut avoir avant tout, c’est de la vitesse et de la régularité, et on lui donne de l’économie qu’il ne demande pas. Après cela, peut-on s’attendre à ce qu’il confie ses marchandises à des canaux où la navigation est interrompue, tantôt par les glaces, tantôt par la sécheresse, tantôt par les débordements des rivières dont ils empruntent le cours, lorsque la vitesse et la sûreté du roulage ordinaire ne lui suffiront plus? Est-ce à dire qu’il ne faille plus de canaux ? Non sans doute ; mais il ne faut pas en faire parce que les voisins en font, il ne faut pas en faire pour les substituer aux routes. Dans le système général des moyens de transport d’une nation, ils ont leur place et leur rôle distinct. Nous ne combattons ici que l’idée générale d’où on était parti pour substituer tout à coup et d’une manière presque universelle ce mode de transport à celui du roulage ; idée conçue, il y a vingt ans, par un illustre ingénieur, et adoptée presque par tout le monde ; idée qui aurait encore aujourd’hui des partisans plus nombreux, si les chemins de fer n’étaient venus lui en enlever un grand nombre, si enfin l’expérience n’avait pas beaucoup appris à cet égard. Elle reposait sur des principes d’économie politique tellement inexacts, qu’on intervertissait complètement les rôles. On disait : « S’il ne s’agissait que de reconnaître les directions suivant lesquelles le commerce appelle la création de voies commodes pour ses transports, l’administration supérieure, en France, arrêterait seule le système de canaux qui lui paraîtraient nécessaires, et elle ne s’adresserait aux hommes de l’art que pour leur donner à diriger l’exécution de ce qu’elle aurait arrêté ; mais les canaux, beaucoup plus que les routes, dépendent, pour leur première conception, comme pour les détails de leur tracé, de l’étude des formes du terrain ; c’est par là que l’opération première dont je viens d’exposer la nécessité rentre entièrement dans les attributions des ingénieurs*. » Or, suivant nous, c’est tout le contraire qui doit être fait. Puisque vous séparez la question économique de la question d’art, celle-ci, loin de devancer la première, doit lui être complètement subordonnée. Ce n’est pas parce que ces deux rivières se tournent le dos et vous indiquent la position d’un col extrêmement favorable qu’il faut les réu-nir par un canal à point de partage. Si dans ces deux vallées il n’y a que des produits complètement similaires, si elles n’ont rien à s’envoyer réciproquement, ou si ce qu’elles produisent doit nécessairement voyager d’une manière prompte et sûre, ce canal, si heureusement tracé suivant les règles de l’art, ne sera jamais qu’une opération ruineuse, La question de l’ouverture d’une voie de communication est avant tout et par-dessus tout une question d’économie politique ; la * M. Brisson, Mémoire sur la navigation.