Page:Joyau - La Philosophie en France pendant la Révolution, 1893.djvu/210

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faisante de Saint-Vincent-de-Paul ; le 10 nivôse, à la Bienfaisance ; le 20, à la réunion des familles ; la dernière fête fut celle des Bons Ménages, le 11 mars 1801. Mais bientôt le Concordat, en rétablissant le dimanche, supprime toutes les fêtes civiles.

La réalisation d’une des idées les plus chères aux philosophes avait donc échoué complètement. Elle se heurtait à l’habitude des fêtes religieuses, habitude plusieurs fois séculaire, qui survivait à la ruine des croyances. C’est ce qu’un ouvrier exprimait dans un langage trivial sans doute, mais gros de sens. « Nous chômions le décadi, mais nous changions de chemise le dimanche ». Pour triompher de cette puissance formidable de l’habitude, sur quoi fondait-on son espoir ? Car en pareille matière on ne supprime que ce que l’on remplace. Sur l’ascendant de la philosophie et de la morale ? Mais il aurait fallu qu’elle fût enseignée en termes moins emphatiques, moins creux et surtout que le public fût en état de l’entendre. Sur l’éclat et le charme des nouvelles fêtes ? Mais on n’avait rien su trouver qui parlât à l’imagination, à l’intelligence et surtout au cœur du peuple, rien qui se rattachât aux traditions nationales : on n’avait pas résisté à l’obsession des réminiscences classiques les plus banales. C’était, nous l’avons dit, une des fautes les plus graves des philosophes du XVIIIe siècle que de ne pas s’être appliqués à connaître les hommes de leur temps et de leur pays. Un spectacle qui ne s’adresse qu’aux yeux peut réussir un moment par sa nouveauté ; il n’excite jamais un intérêt durable, il