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septembre de la même année, arrêt qu’il fit casser six ans après dans un nouveau procès, où il parut hardiment pour se voir condamner à une simple amende de cinquante francs, au profit de l’œuvre des prisons !

Voici comme les biographes ont raconté cette mystérieuse affaire, d’après les nouvelles à la main, recueillies dans les Mémoires de Bachaumont. Le marquis de Sade, qui avait pris le titre de comte après la mort de son père, n’était pas devenu plus sage depuis le terrible scandale causé, en 1768 par son aventure avec la fille Keller, mutilée dans une débauche, sous prétexte d’éprouver des topiques ; les cent louis qu’il avait payés à cette misérable, et les six semaines pendant lesquelles il avait été enfermé au château de Pierre-Encise, à Lyon, semblaient l’encourager à commettre de plus grands crimes et à encourir des châtimens plus exemplaires. Il habitait alors son beau domaine de la Coste, près de Marseille ; il vint en cette ville au mois de juin 1772, et y donna un bal où il avait invité beaucoup de monde. Mais, par un raffinement de perversité incroyable, il avait glissé dans le dessert certaines pastilles de chocolat préparées avec des mouches cantarides. « L’on connaît la vertu de ce médicament, dit le nouvelliste. Elle s’est trouvée telle que tous ceux qui en ont mangé se sont livrés à tous les excès auxquels porte la fureur la plus amoureuse ; le bal a dégénéré en une de ces assemblées licencieuses si renommées parmi les Romains. C’est ainsi que M. de Sade a pu se faire aimer de sa belle-sœur, avec laquelle il s’est enfui pour se soustraire au supplice qu’il mérite. Plusieurs personnes sont mortes de ces excès effroyables, et d’autres sont encore très incommodées. » L’opinion publique s’empara du fait revêtu de ces odieuses couleurs, et le parlement d’Aix, en appliquant la peine de mort à l’auteur de cet empoisonne-