Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/377

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— Dans ces habits ? » dit ma mère en regardant mes hardes.

Je serai donc toujours écrasé par mon costume !

Ah ! je partirai tout de même !

Mon père a eu vent de ce propos.

« S’il part, dis-lui que je le ferai arrêter par les gendarmes. »

Legnagna m’avait déjà menacé d’eux…


Vous voulez faire de moi un gibier de prison, mon père ?

Il a donc le droit de me faire prendre, il a le droit de me traiter comme un voleur, il est maître de moi comme d’un chien…

« Jusqu’à ta majorité, mon garçon ! »

Il a dit cela avec emportement, en tapant sur un livre qui s’appelle le Code ; je le retrouve le soir dans un coin, ce vieux livre. Je le lis en cachette, à la lueur du réverbère qui éclaire ma chambre.

« Peut être enfermé, sur l’ordre de ses parents, etc. »


Me faire arrêter ? — Pourquoi ?

Parce que je ne veux pas qu’il dise que je ne gagne pas la pâtée que je mange, — parce que je ne veux pas qu’il s’amuse à me frapper, moi qui pourrais le casser en deux, — parce que je veux avoir un état, et que ça l’humilie de penser que lui, qui a tant lutté pour avoir une toge roussie, il aura un fils qui aura une cotte, un bourgeron !

Il me fera mettre les menottes peut-être et ordon- -