Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/378

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nera aux gendarmes de serrer dur si je résiste. Et cela, parce que je ne veux pas être professeur comme lui.

Je comprends. C’est que j’insulte toute sa vie en déclarant que je veux retourner au métier comme nos grands-parents ! Dire que je désire entrer en atelier, c’est dire qu’il a eu tort de lâcher la charrue et l’écurie.

Il me ferait donc conduire de brigade en brigade ; si ce n’est pas ce soir, ce sera demain, ou dans un mois. Jusqu’à vingt et un ans, il le peut.


On a pensé à moi pour une leçon.

Mes succès de collège m’ont fait une réputation ; et puis quelques personnes, devinant peut-être le drame muet qui se joue chez nous, veulent me montrer de l’amitié.

L’une de ces personnes s’adresse à ma mère ; c’est une dame qui veut que j’apprenne un peu de latin à son fils. Ma mère a répondu :

« Madame, je serais bien contente s’il pouvait gagner un peu d’argent, parce qu’il se disputerait moins avec son père. Ils sont bons tous deux, dit-elle, mais ils se chamaillent toujours. — Il faudrait, par exemple, que vous parliez à M. Vingtras pour qu’il achète une culotte à Jacques, si vous ne voulez pas (esquissant un sourire) qu’il aille chez vous tout nu — sauf votre respect. Je vous dis ça comme une paysanne ; c’est que je suis partie de bas. – J’ai gardé les vaches, voyez-vous ! »