Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/389

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On était en train d’insulter mon père. Il avait, quelques jours auparavant, frappé un de ses élèves, et voilà que dans la maison où la veille il avait failli me tuer, les parents de l’enfant calotté venaient exiger une réparation. On voulait que M. Vingtras fît des excuses, demandât pardon ; et comme M. Vingtras balbutiait, on lui mettait le poing sous le nez.

Ils étaient deux, le père et le frère aîné, un vieux et un jeune.

« Qu’y a-t-il ?

— Il y a, disait le jeune, que votre père s’est permis de gifler mon frère. S’il n’était pas si décati, c’est moi qui le giflerais.

— Malheureux ! »

Je l’ai pris à bras-le-corps. Ah ! il ne pèse pas lourd ! et le vieux non plus. Par la porte, allons ! Un peu plus, ils étaient en morceaux.

Ils amassaient du monde dans la rue.

« Viens donc, me crie le frère aîné écumant.

— Eh ! je viens ! »


On nous a séparés à grand’peine. Il a dix-huit ans, c’est un saint-cyrien, il est courageux, mais je le règle. Je le tiens comme j’ai vu l’oncle Chadenas tenir des cochons. Je ne veux pas lui faire de mal, maintenant qu’il est à terre. Seulement il bouge encore. On me tire par les cheveux.

On me l’a à peine ôté des mains qu’il me jette une carte par-dessus la foule.

« Si c’était devant une épée, tu ferais moins le