Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/390

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fier. C’est l’épée qui est mon arme, à moi » et il gesticule, et il en conte !…

L’imbécile !

« Hé, Massion, veux-tu aller lui dire que s’il ne se tait pas, je vais le casser de nouveau, mais que s’il se tait, je me battrai à l’épée avec lui. »


Prairie de Mauves, 7 h. du matin.

Ça s’est arrangé sans que chez nous on en sût rien. Tout le collège en parle, par exemple, mais mon père est au lit avec la fièvre, — le médecin a même ordonné qu’on le laissât reposer, — ce qui me donne ma liberté.

J’ai trouvé des témoins : tous ceux de mes anciens condisciples qui ont un brin de moustache et veulent entrer à Saint-Cyr ou à la Navale s’offrent pour la chose.

« Vous êtes bien jeune, dit quelqu’un mêlé aux pourparlers.

— J’ai dix-huit ans. »

Je mens de deux ans, voilà tout.

On se demande tout bas si au dernier moment je ne fouinerai pas devant Saint-Cyr.

Ils ne savent pas que la vie m’embête, qu’un duel est comme un paletot neuf non choisi par ma mère, que c’est la première fois que je fais acte d’homme. C’est que j’en ai envie ; nom d’un tonnerre ! Si le saint-cyrien ne voulait plus, je l’y forcerais.

Je suis ému tout de même ! Je vais peut-être avoir