Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/298

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L’œuvre de Mallarmé, c’est quelques poèmes où la musique traditionnelle du français est épurée, grandie, plus douce que chez Lamartine, profitant des trouvailles nombreuses de Baudelaire, et arrivant à se faire entendre toute personnelle — chant de flûte ou musique d’orgue profonde, et pages d’une prose qui dénude ou revêt de pourpre l’idée.

Verlaine, en une œuvre considérable, souvent hasardeuse, géniale souvent, pire quelquefois, a donné les plus jolis rythmes et les cris passionnels les plus vrais ; Mallarmé et Rimbaud ont pensé, Verlaine, jamais. C’est un chanteur des plus profondément charmants, ingénu, et, d’autres fois, crédule et religieux — ce qui le gâte. Verlaine laisse beaucoup de beaux poèmes. Mallarmé en lègue aussi, en même temps qu’un grand exemple, car il s’était mis, seul, à oser avoir sa pensée propre devant toute une littéraire presque disciplinée. De 1886 (Verlaine et Rimbaud avaient déjà accompli pour l’assouplissement du vers les plus intéressants efforts) datent les premiers poèmes des vers-libristes. Une étiquette commune, le mot Symboliste, dérivé d’une des préoccupations de Mallarmé, suffit pour désigner momentanément un certain nombre d’écrivains pourvus d’idéaux très différents ; il y eut un très court moment d’union effective sur des sympathies et des orientations, dans le vague, apparentées entre des esprits très différents. Le point capital de cette dernière évolution de la poésie française en ce siècle est l’instauration du vers libre, bien que depuis les premières années de l’évolution actuelle, des réactions aient déjà été tentées, les unes voulant renouer l’art actuel à celui