Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/297

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Heredia, Glatigny, Sully-Prudhomme fraternisaient, le ferment de quelque chose de neuf se manifesta chez deux poètes, amis des Parnassiens, et très temporairement des leurs : Mallarmé et Verlaine. Charles Cros y passa aussi, mais l’œuvre de cet homme très doué, dispersée et interrompue par la mort, est inférieure aux très belles espérances que donnaient son universalité et son intelligence. Durant que M. Coppée, parti des vers de Sainte-Beuve, non sans rapport avec Brizeux, chantait les Humbles et tentait l’épopée familière, que M. Sully-Prudhomme se rattachait à Lamartine par ses essais d’ampleur religieuse détournée à des entités sociales, que M. Dierx alternait de belles sensations mélancoliques et des légendes lyriques, que M. Mendès aux contes épiques ajoutait une gamme touffue d’anacréontismes, Mallarmé et Verlaine obliquaient vers un autre art plus distant du romantisme ; Mallarmé en se mirant librement en ses idées, P. Verlaine en se courbant pour écouter sa chanson intérieure. Un très grand poète, Rimbaud, entrevit un art libre, touffu, plein de perceptions, d’analogies lointaines. Par la violence et la simplesse alternées, il est tout près de son ami Verlaine ; par ses ambitions d’idées transcrites en poèmes en prose, de minutes rares traduites, il se rapprocherait de Mallarmé qui, je crois, ne le connut pas. Les poètes nouveaux doivent saluer, en ces trois hommes, des précurseurs, des indicateurs qui les relient à Baudelaire. L’œuvre de Rimbaud, c’est trois ou quatre éclairs magnifiques, sur des paysages de demain ou les grandes solitudes de la mer, ou les cubes monotonement ajustés de Paris et de Londres.