Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

use-t-il ou abuse-t-il ? Ce ne serait de la critique que s’il était plus complet et démontrait chez ces écrivains des dérivations de pensée sous l’influence de l’alcool ; mais il ne l’a pas voulu, et peut-être ne le pourrait-il pas.

Il n’y a ni alcoolisme, ni noctambulisme, ni névrose en jeu, ici, du moins, pas plus que dans la plupart des opérations intellectuelles de notre temps. Ce malheureux temps est bien loin d’être normal ; et, si l’on admet que c’est une des gloires du Moyen Age, que dans cette période de force et de guerre, il ait existé de purs mystiques affolés d’amour de Dieu et d’espoir en Dieu, pourquoi ne point vouloir qu’en notre période d’affaires, strictement d’affaires, il soit des poètes se confinant dans l’intellect pur et disant pour eux, pour les initiés existants, pour les initiés à venir, la chanson de leurs sensations, sans s’occuper des exigences populaires, sans travestir le schéma de leur pensée sous la forme de conversation qu’utilisent les poètes et les romanciers classés ; et si parfois le but peut-être est dépassé, si le livre ou le poème ne contiennent pas toute la sérénité qui pare l’œuvre d’un classique, peut-être cela vient-il de ceci, que :

Si l’on développe une idée, en voulant enfermer dans sa traduction ses origines et son mouvement et l’accent personnel d’émotion qu’elle eut en émergeant de votre inconscience, on est exposé à faire un peu embrouillé en croyant faire complet ;

Que si l’on se borne à donner de cette idée la grosse carrure, presque le fait matériel dont elle est la représentation, on a bien des chances de la traduire sans