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ANALYTIQUE DU JUGEMENT TÉLÉOLOGIQUE.

près un nouvel ordre de lois, et la science de la nature d’après un autre principe, à savoir le principe des causes finales, sans préjudice cependant à celui du mécanisme de sa causalité. D’ailleurs on ne décide nullement par là si une chose que nous jugeons d’après ce principe est réellement une fin dans l’intention de la nature, si l’herbe existe pour le bœuf ou la brebis, et si ces animaux et les autres choses de la nature existent pour les hommes. Il est bon de considérer aussi par côté les choses qui nous sont désagréables, et même contraires sous certains rapports. Ainsi, par exemple, on pourrait dire que les insectes, qui infestent nos habits, nos cheveux ou nos lits, sont, d’après une sage disposition de la nature, un aiguillon à la propreté, qui est déjà par elle-même une condition importante de la conservation de la santé. Ainsi encore on dira que les moustiques et d’autres insectes piquants, qui incommodent si fort les sauvages dans les déserts de l’Amérique, sont autant d’aiguillons qui excitent ces hommes inexpérimentés à dessécher les marais, à éclaircir les épaisses forêts qui arrêtent le passage de l’air, et à rendre par là, ainsi que par la culture du sol, leur séjour plus sain. Les choses-mêmes qui paraissent contraires à l’homme dans son organisation intérieure, envisagées de cette manière, nous ouvrent une vue agréable et quelquefois aussi instructive, sur une