Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/52

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ordonnance téléologique, que, sans un tel principe, une étude purement physique de la nature ne nous aurait pas fait soupçonner. De même que, suivant quelques-uns, le ver solitaire a été donné à l’homme ou à l’animal, en qui il habite, comme pour remédier à un certain défaut de ses organes vitaux, je demanderai à mon tour si les songes (qui accompagnent toujours le sommeil, quoiqu’on ne s’en souvienne que rarement) ne seraient pas l’effet d’une sage ordonnance de la nature. Ne servent-ils pas en effet, dans le relâchement de toutes les forces motrices, à mouvoir intérieurement les organes de la vie, par le moyen de l’imagination à laquelle ils donnent une grande activité (et qui dans cet état s’élève presque toujours jusqu’à l’affection) ? Et l’imagination, dans le sommeil, ne montre-t-elle pas ordinairement d’autant plus de vivacité que son mouvement est plus nécessaire, comme, par exemple, quand l’estomac est trop chargé ? Par conséquent, sans cette force qui nous meut intérieurement et sans cette inquiétude fatigante, dont nous accusons les songes (qui pourtant sont peut-être en réalité des remèdes), le sommeil, même dans l’état de santé, ne serait-il pas une complète extinction de la vie ?

La beauté même de la nature, c’est-à-dire son accord avec le libre jeu de nos facultés de connaître, dans l’appréhension et dans le jugement de son