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DOCTRINE DE LA VERTU


IX.


ce que c’est qu’un devoir de vertu.


La vertu est la force de résolution que montre l’homme[1] dans l’accomplissement de son devoir. — Toute force n’est révélée que par les obstacles qu’elle peut surmonter. Or dans la vertu les obstacles viennent des penchants de la nature, qui entrent en lutte avec la résolution morale ; et, comme c’est l’homme lui-même qui oppose ces obstacles aux maximes de sa raison, la vertu est une contrainte exercée sur soi-même : mais elle n’est pas cela seulement (car autrement on pourrait chercher à vaincre un penchant de la nature par un autre), c’est aussi une contrainte qu’on exerce sur soi d’après un principe de liberté intérieure, c’est-à-dire au moyen de la simple idée de son devoir, telle qu’elle résulte de la loi formelle du devoir.

Tous les devoirs renferment l’idée d’une contrainte[2] imposée par la loi ; mais la contrainte qu’impliquent les devoirs d’éthique ne peut être que l’effet d’une législation intérieure, tandis que celle qu’impliquent les devoirs de droit, peut être en outre l’objet d’une législation extérieure. On retrouve donc dans les deux cas l’idée d’une contrainte, que cette contrainte soit exercée par soi-même ou par autrui. Or on peut appeler vertu la puissance morale que suppose la première, et acte de vertu l’action qui résulte d’une telle intention

  1. Die Stärke der Maxime des Menschen ; littéralement, la force des maximes de l’homme.
  2. Nöthigung.