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DEVOIRS ENVERS SOI-MÊME.


une fin de la nature, qui est encore plus importante que celle même de l’amour de la vie, car celle-ci ne regarde que la conservation de l’individu, tandis que la première regarde celle de l’espèce. —

Que cet usage contre nature (par conséquent cet abus) des organes sexuels soit une violation du devoir envers soi-même, et même un des plus graves manquements à la moralité, c’est ce que chacun reconnaît aussitôt qu’il y songe, et même la seule pensée d’un pareil vice répugne à tel point que l’on regarde comme immoral de l’appeler par son nom, tandis qu’on ne rougit pas de nommer le suicide, et que l’on n’hésite pas le moins du monde à le montrer aux yeux dans toute son horreur (in specie facti). Il semble qu’en général l’homme se sente honteux d’être capable d’une action qui rabaisse sa personne au-dessous de la brute. Bien plus, a-t-on à parler, dans une société honnête, de l’union sexuelle (et en soi purement animale) que le mariage autorise, il y faut mettre une certaine délicatesse et y jeter un voile.

Mais il n’est pas aussi aisé de trouver la preuve rationnelle[1] qui démontre que cet usage contre nature des organes sexuels, et aussi celui qui, sans être contre nature, n’a pas pour fin celle de la nature même, sont inadmissibles, comme étant une violation (et même, dans le premier cas, une violation extrêmement grave) du devoir envers soi-même. — Cette preuve se fonde sans doute sur ce que l’homme rejette ainsi (avec dédain) sa personnalité, en se servant de lui-

  1. Vernunftbeweis.