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DEVOIRS ENVERS LES AUTRES HOMMES.


distance les uns des autres ; et, si l’une de ces deux grandes forces morales venait à manquer, alors (si je puis me servir ici des paroles de Haller en les appliquant à mon objet) « le néant (de l’immoralité) engloutirait dans son gouffre tout le règne des êtres (moraux), comme une goutte d’eau. »


§ 25.


Mais l’amour ne doit pas être considéré ici comme un sentiment (au point de vue esthétique), c’est-à-dire comme un plaisir que nous trouvons dans la perfection des autres hommes, comme amour du plaisir[1] de les voir heureux[2], car on ne peut être obligé par autrui à avoir des sentiments ; il y faut voir une maxime de bienveillance (un principe pratique), ayant pour effet la bienfaisance.

Il en est de même du respect que nous devons témoigner aux autres ; il ne s’agit pas en effet ici simplement de ce sentiment qui résulte de la comparaison de notre propre valeur avec celle d’autrui (comme celui qu’éprouve, par pure habitude, un enfant pour ses parents, un élève pour son maître, un inférieur en général pour son supérieur), mais d’une maxime qui consiste à restreindre notre estime de nous-mêmes au moyen de la dignité de l’humanité dans une autre personne, et par conséquent on doit entendre ici le respect dans le sens pratique (observantia aliis præstanda).

En outre le devoir du libre respect envers autrui,

  1. Liebe des Wohlgefallens.
  2. J’ajoute ces mots pour plus de clarté.