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DOCTRINE DE LA VERTU


jours serein dont parle le vertueux Épicure. En effet, qui pourrait avoir plus de raisons de posséder une âme sereine et qui regardera mieux comme un devoir de se placer dans cet état de sérénité et de s’en faire une habitude, que celui qui n’a conscience d’aucune transgression volontaire de la loi morale et qui est certain de ne tomber dans aucune faute de ce genre (hic murus aheneus esto, etc., Horat.) ? L’ascétisme monacal au contraire, qui, par suite d’une crainte superstitieuse ou d’une hypocrite horreur de soi-même, a pour effet de se mortifier et de torturer son corps, n’a rien de commun avec la vertu, mais c’est une sorte d’expiation fanatique, qui consiste à s’infliger à soi-même certains châtiments, et, au lieu de se repentir moralement (c’est-à-dire en prenant la résolution de s’amender), à croire qu’on rachète[1] ainsi ses fautes. Or un châtiment qu’on choisit soi-même et qu’on s’inflige à soi-même est quelque chose de contradictoire (car le châtiment ne peut jamais être infligé que par un autre) ; et, loin de produire cette sincérité d’âme qui accompagne la vertu, il ne peut avoir lieu sans exciter une secrète haine contre les commandements de la vertu. — La gymnastique morale consiste donc uniquement dans cette lutte contre les penchants de notre nature, qui a pour but de nous en rendre les maîtres dans les cas menaçants pour la moralité qui peuvent se présenter, et par conséquent elle nous donne du courage et cette sérénité que l’on ne manque pas de trouver dans la conscience d’avoir recouvré sa liberté. Se repentir de

  1. Büssen.