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DE LA DOCTRINE DE LA VERTU.


les résolutions réfléchies et persévérantes. C’est elle qui constitue la santé dans la vie morale. Il faut bien se garder d’y substituer cette force fiévreuse qu’on appelle l’enthousiasme, qui ne s’exalte un moment que pour retomber bientôt, laissant la fatigue après elle. Il y a donc ici même une modération à garder, et c’est en ce sens seulement qu’il est raisonnable d’admettre celle que l’on recommande ordinairement dans la pratique de la vertu :


Insani sapiens nomen ferat, æquus iniqui,
Ultra quam satis est, virtutem si petat ipsam.


On ne saurait jamais être trop sage ou trop vertueux ; mais c’est tomber dans un excès fâcheux que de se livrer, même en matière de bien, à une affection qui usurpe la place de la réflexion et de la raison. La grande affaire est de si bien régler notre âme que le respect de la loi morale y soit plus puissant que tous nos autres sentiments. « D’un autre côté, ajoute Kant 1[1], celui-là aussi ne possède qu’une vertu fantastique, qui n’admet point de choses indifférentes à la moralité, qui jonche tous ses pas de devoirs, comme d’autant de chausse-trappes, et qui ne trouve pas indifférent que l’on se nourrisse de viande ou de poisson, de bière ou de vin, quand on se trouve bien de l’un et de l’autre. Introduire de telles minuties dans la morale, c’est en faire dégénérer l’empire en tyrannie 2[2]. »

Division générale de la doctrine de la vertu.

Il ne nous reste plus, pour compléter ces préliminaires, qu’à indiquer les divisions de la doctrine de la vertu ou de

  1. 1 P. 59.
  2. 2 Après les développements qu’on vient de lire, on comprendra sans peine quelques formules mathématiques auxquelles Kant ramène les idées morales et que j’ai dû négliger plus haut (Voyez, dans la traduction française, la page 19 et la page 39). La vertu communiquant à l’homme un mérite que ne lui donne pas la seule pratique des devoirs de droit, juridiquement observés, peut être représentée par la formule algébrique = + a. Le vice au contraire, qui est une transgression du devoir érigée en maxime, et qui par conséquent est un véritable démérite, = — A. Maintenant entre ces deux termes il y a un état marqué par l’absence de force morale et qui est plutôt un défaut de vertu (une non-vertu) qu’un vice. On le représentera exactement par 0.
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