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PÉDAGOGIE.

La loi considérée en nous s’appelle la conscience. La conscience est proprement l’application de nos actions à cette loi. Les reproches de la conscience resteront sans effet, si on ne les considère pas comme les représentants de Dieu, dont le siége sublime est bien élevé au-dessus de nous, mais qui a aussi établi en nous un tribunal. Mais d’un autre côté, quand la religion ne se joint pas à la conscience morale, elle est aussi sans effet. Comme on l’a déjà dit, la religion, sans la conscience morale, est un culte superstitieux. On pense servir Dieu en le louant, par exemple, en célébrant sa puissance, sa sagesse, sans songer à remplir les lois divines, sans même connaître cette sagesse et cette puissance et sans les étudier. On cherche dans ces louanges comme un narcotique pour sa conscience, ou comme un oreiller sur lequel on espère reposer tranquillement.

Les enfants ne sauraient comprendre toutes les idées religieuses, mais on peut cependant leur en inculquer quelques-unes ; seulement elles doivent être plutôt négatives que positives. — Il est inutile de leur faire réciter des formules, et même cela ne peut que leur donner une fausse idée de la piété. La vraie manière d’honorer Dieu, c’est d’agir suivant la volonté de Dieu, et c’est là ce qu’il faut enseigner aux enfants. On doit veiller, dans l’intérêt des enfants comme aussi pour soi-même, à ce que le nom de Dieu ne soit pas si souvent profané. L’invoquer dans les souhaits que l’on forme, fût-ce même dans une intention pieuse, est une véritable profanation. Toutes les fois que les hommes prononcent le nom de Dieu, ils devraient être pénétrés de respect ; et c’est pourquoi ils devraient rarement en faire usage, et jamais légèrement. L’enfant doit apprendre à sentir du respect pour Dieu, d’abord comme maître de sa vie et du monde entier, ensuite comme protecteur des hommes, et enfin comme leur juge. On dit que Newton se recueillait toujours un moment quand il prononçait le nom de Dieu.

En éclaircissant à la fois dans l’esprit de l’enfant l’idée de Dieu et celle du devoir, on lui apprend à mieux respecter les soins que Dieu a pris à l’égard de ses créatures, et on le préserve contre ce penchant à la destruction et à la cruauté, qui se plaît de tant de facons à tourmenter les petits animaux. On devrait en même temps instruire la jeunesse à découvrir le