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ANALYSE CRITIQUE


gion ; revenons maintenant avec Kant à l’examen de ce tribunal intérieur qui siège en nous, et à l’analyse des devoirs qui en résultent. La voix de ce tribunal devance notre résolution : elle nous avertit avant que nous ne nous décidions. Nous devons donc écouter ces avertissements avec une religieuse attention, et nous ne saurions pousser trop loin le scrupule en pareille matière. Il arrive souvent aux consciences trop peu scrupuleuses de traiter de peccadilles de véritables transgressions du devoir ; elles abusent de la maxime : minima non curat prætor. « Dire de quelqu’un, ajoute Kant fort justement 1[1], qu’il a une conscience large revient à dire qu’il n’a pas de conscience. » Une fois l’acte résolu, alors, s’il est mauvais, s’élève au sein de la conscience une voix accusatrice ; mais alors aussi la voix d’un avocat se fait entendre. Or il faut prendre garde que celle-ci n’étouffe la première, et que l’affaire ne s’arrange en quelque sorte à l’amiable, tandis qu’elle doit être décidée suivant toute la rigueur des lois. Enfin la conscience prononce ; elle absout ou condamne, et son arrêt est sans appel. Lorsqu’elle absout, il en résulte une certaine satisfaction, celle d’avoir échappé au danger d’être déclaré coupable. Il ne faut pas la regarder comme une récompense : la conscience n’en décrète pas en pareil cas. C’est une satisfaction toute négative, non un bonheur positif ou un véritable sentiment de joie ; c’est le repos succédant à l’inquiétude.

Que le premier de tous les devoirs envers soi-même est celui-ci : « connais-toi toi-même »

On vient de voir comment l’homme doit se conduire vis-à-vis du tribunal qu’il trouve en lui. En général le premier de tous ses devoirs envers lui-même, c’est de s’étudier et de faire son examen de conscience 2[2]. Qu’il sonde l’abîme de son cœur jusque dans ses profondeurs les plus cachées, qu’il remonte à la source de ses actions pour voir si elle est pure ou impure, qu’il cherche à faire dans sa conduite la part de ce qui revient à sa nature et de ce qui lui appartient véritablement à lui-même, en un mot qu’il apprenne à connaître son état moral. Cette connaissance de soi-même est le commencement de la sagesse. « C’est en descendant aux enfers qu’on arrive à l’apothéose 3[3]. » Par là aussi on échappera à deux vices également

  1. 1 P. 105.
  2. 2 § 14, p.106.
  3. 3 P.107.