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ANALYSE CRITIQUE


présente comme réelles, pour enlever à la personne dont on se moque le respect qu’elle mérite, c’est là un vice qui dénote une méchanceté diabolique. L’humeur caustique n’est tolérable que dans un cas : c’est lorsqu’on a été soi-même l’objet des railleries d’un adversaire et qu’en lui renvoyant la balle on ne fait qu’user en quelque sorte du droit de légitime défense. « Mais dans ce cas même, ajoute Kant 1[1], si l’objet ne porte pas à la plaisanterie, s’il y a quelque intérêt moral en jeu, alors, quelque raillerie que l’adversaire y ait mise et quoiqu’il prête le flanc au ridicule, il est plus conforme au respect de l’humanité de ne pas répondre à l’attaque ou d’y opposer une défense sérieuse et grave. »

Des devoirs de vertu des hommes entre eux au point de vue de leur état.

Après avoir examiné, comme on vient de le faire, les devoirs des hommes entre eux au point de vue de l’humanité en général ou abstraction faite de toutes les conditions où peuvent se trouver les individus et qui peuvent modifier leur état, il serait bon, pour compléter l’œuvre de l’éthique, de rechercher aussi quelles modifications ces conditions ou cet état apportent dans leurs devoirs réciproques 2[2]. Comment, par exemple, faut-il se conduire à l’égard des hommes, suivant qu’ils sont cultivés ou incultes, purs ou corrompus, etc, ? Quelle manière d’être sied au savant et le distingue du pédant ? Quelle conduite enfin doit-on tenir à l’égard des hommes suivant la différence de la position, de l’âge, du sexe, de l’état de santé, de la richesse ou de l’indigence, etc. ? Kant n’entreprend pas de traiter ces questions, parce qu’elles sortent de la sphère purement métaphysique où il renferme ici la morale. Aussi bien, comme toutes les divisions empiriques, ne comportent-elles pas de classification rigoureusement par faite.

De i’amitié.

Il y a pourtant un point sur lequel il s’arrête avec complaisance, c’est Γamitié 3[3]. Il la définit : « l’union de deux personnes liées par un amour réciproque et un égal respect ? » Comme cette union est l’idéal de la sympathie parmi les hommes, et que, si elle ne leur donne pas tout le bonheur de la vie, elle les rend du moins dignes d’être heureux, il suit

  1. 1 P. 150.
  2. 2 § 45, p. 151.
  3. 3 §§ 46-47, p. 153-159.