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Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/396

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PROGRÈS DE LA MÉTAPHYSIQUE


buées entre plusieurs sujets constituent l’unité de la pensée. Le matérialisme ne peut donc jamais servir de principe pour expliquer la nature de notre âme.

Mais si nous ne considérons des corps et des âmes que comme des phénomènes, ce qui n’est pas impossible, puisque ce sont deux objets des sens, et que nous fassions attention que le noumène, qui sert de fondement à tout phénomène, c’est-à-dire l’objet extérieur comme chose en soi, peut être un être simple…[1].

Mais si l’on passe sur cette difficulté, c’est-à-dire si âme et corps sont admis comme deux substances spécifiquement différentes, il est impossible à la philosophie, surtout à la métaphysique, de décider de la part et de l’étendue de cette part qui revient à l’âme ou au corps dans les représentations du sens intime ; et même dans le cas où l’une de ces substances serait séparée de l’autre, l’âme ne perdrait pas absolument toute espèce de représentations (intuition, sensation et pensée).

Il est donc absolument impossible de savoir si, après la mort de l’homme, lorsque son corps est décomposé, l’âme, malgré la permanence de sa substance, peut continuer de vivre, c’est-à-dire de penser et de vouloir ; c’est-à-dire encore si elle est un esprit (car on entend par ce mot un être capable d’avoir conscience de soi-même et de ses représentations sans un corps) ou si elle ne l’est pas.

  1. Place restée en blanc dans le manuscrit.