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Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/62

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PROLÉGOMÈNES A LA MÉTAPHYSIQUE


pas d’autres êtres que ceux qui pensent, que tout le reste des choses que nous croyons percevoir dans l’intuition, ne seraient que des représentations dans les êtres pensants, auxquelles en réalité aucun objet distinct de ces derniers ne correspondrait. Je dis, au contraire, que des choses nous sont données comme extérieures à nous et saisissables à nos sens, mais que nous ne savons rien de ce qu’elles peuvent être en soi, que nous n’en connaissons que les phénomènes, c’est-à-dire les représentations qu’elles opèrent en nous lorsqu’elles affectent nos sens. J’avoue donc bien qu’il y a hors de nous des corps, c’est-à-dire des choses qui, bien qu’elles nous soient tout à fait inconnues, quant à ce qu’elles peuvent être en elles-mêmes, nous sont cependant connues par les représentations que nous procure leur action sur notre sensibilité, et auxquelles nous donnons le nom de corps, mot qui n’indique par conséquent que le phénomène de cet objet à nous inconnu mais néanmoins réel. Peut-on bien appeler cela idéalisme ! C’en est tout juste le contraire.

Bien avant Locke déjà, mais surtout depuis, on admettait et on accordait généralement que l’on peut dire, sans préjudice de l’existence réelle de choses extérieures, d’une multitude de leurs prédicats, qu’ils ne font point partie de ces choses considérées en elles-mêmes, qu’ils n’appartiennent qu’à leurs phénomènes, et n’ont aucune existence propre en dehors de notre représentation. De ce nombre étaient la chaleur, la couleur, la saveur, etc. Si j’y ajoute par de bonnes raisons le reste des qualités des corps, qu’on