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POSSIBILITÉ D’UNE MATHÉMATIQUE PURE.


juges incompétents qui, pouvant aisément donner un vieux nom à une déviation de leur opinion déraisonnable, bien que commune, et ne jugeant jamais de l’esprit des dénominations philosophiques, mais s’attachant toujours à la lettre, n’étaient toujours prêts à mettre leur propre opinion à la place de notions bien déterminées, et par là même à les violenter et dénaturer. Car, de ce que j’ai moi-même donné à ma théorie le nom d’idéalisme transcendantal, je ne puis avoir autorisé personne à le confondre avec l’idéalisme empirique de Descartes (quoique ce ne fût là qu’un problème dont l’insolubilité, au jugement de Descartes, donnait à chacun le droit de nier l’existence du monde corporel, parce qu’elle ne pouvait pas être démontrée d’une manière satisfaisante), ou avec l’idéalisme mystique et fanatique de Berkeley (contre lequel et autres semblables chimères notre Critique contient plutôt le véritable remède). Mon idéalisme, en effet, ne concerne que l’existence des choses (existence dont le doute constitue proprement l’idéalisme, dans l’acception commune du mot), que je n’ai jamais eu la pensée de révoquer en doute ; il n’a pour objet que la représentation sensible des choses, dont l’espace et le temps font essentiellement partie. J’ai seulement prouvé que ces deux notions en général, par conséquent tous les phénomènes, ne sont pas des choses (mais de simples modes de représentation), et qu’ils ne sont pas même des déterminations des choses en soi. Le mot transcendantal, qui ne signifie jamais dans ma pensée un rapport de notre connaissance