Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/146

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paons dans ce pays de malheur… et je sais que je vais tomber mort de soif. Je vais attraper des paons pour vous, bougres de fainéants… et me faire massacrer par les paysans.

Il nous salua de sa large patte et s’éloigna.

Au crépuscule, longtemps avant l’heure fixée, il s’en revint les mains vides, tout barbouillé de poussière.

— Et les paons ? interrogea Ortheris, de la couche indolente d’une table de chambrée, sur laquelle il fumait assis en tailleur, tandis que Learoyd dormait à poings fermés sur un banc.

— Jock, dit Mulvaney en réveillant le dormeur. Jock, es-tu capable de te battre ? Veux-tu te battre ?

Très lentement le sens de ces paroles pénétra l’homme encore mal réveillé. Il comprenait… et pourtant… qu’est-ce que cela pouvait signifier ? Mulvaney le secouait férocement. De leur côté les hommes de la chambrée hurlaient de joie. C’était enfin la guerre dans la confédération… la guerre et la rupture des liens.

Le protocole de la caserne est formel. Au défi direct doit succéder la réplique immédiate. Cette règle est plus impérieuse que les liens d’une amitié éprouvée. Une fois de plus Mulvaney répéta la question. Learoyd répondit par les seuls moyens en son pouvoir, et si rapidement que l’Irlandais eut à peine le temps d’esquiver le coup. Autour d’eux le rire redoubla. Avec ahurissement Learoyd regarda son ami… lui-même tout aussi ahuri. Ortheris se laissa