Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/206

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de son baiser, il me fallut traverser le quartier des ménages pour me rendre à ma caserne, et je dus rester à causer à une pouliche de garce d’Irlandaise rousse, Judy Sheehy, qui était fille de maman Sheehy, la femme de Nick Sheehy, le sergent cantinier… la noire malédiction de Shielygh soit sur toute sa race qui est sur terre à cette heure !

« — Et pourquoi tenez-vous la tête si haute, caporal ? que me dit Judy. Entrez donc prendre une tasse de thé, qu’elle dit, debout sur le pas de sa porte.

« Moi, en parfait idiot, et sans songer à autre chose qu’au thé, j’entrai.

« — Maman est à la cantine, que me dit Judy, en lissant ses cheveux roux pareils à des serpents rouges, et me regardant du coin de l’œil de ses yeux verts de chatte. Cela ne vous fait rien, caporal ?

« — Cela ne me dérange pas, que je dis. La vieille maman Sheehy ne faisant pas partie de mes amusements, ni sa fille non plus.

« Judy alla chercher le service à thé et le disposa sur la table, en se penchant sur moi de très près pour mettre chaque chose à sa place. À la pensée de Dinah je me reculai.

« — Est-ce que vous avez peur d’une fille seule ? que dit Judy.

« — Non, que je dis. Pourquoi en aurais-je peur ?

« — Cela dépend de la fille, que dit Judy en rapprochant sa chaise de la mienne.

« — Alors tant pis pour elle, que je dis.

« Et voyant que j’avais été un tant soit peu impoli, je dis :