Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/226

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trouve de quoi s’abriter. Nous, nous resterons ici. Et puis il n’y fait pas non plus trop fichtrement poussiéreux.

Il enfonça le nez dans une touffe de violettes blanches inodores. Il n’était venu personne pour avertir ces fleurs que la saison de leur force était depuis longtemps passée, et elles s’étaient gaiement épanouies dans la pénombre des pins.

— On dirait que voilà quelque chose, reprit Ortheris enchanté. Quel espace divinement dégagé pour envoyer une balle par là-bas. Quelle portée à ton avis, Mulvaney ?

— Sept cents. Peut-être un peu moins, parce que l’air est si transparent.

Paf ! paf ! paf ! Une volée de coups de fusil partit sur la face arrière de la montagne nord.

— Ces fichus Mixed Pickles qui tirent sur rien ! Ils vont effaroucher la moitié du pays.

— Envoie un coup d’essai pour juger de la hausse dans le milieu du ravin, dit Mulvaney, l’homme de tous les trucs. Il y a là-bas un rocher rouge par où il sera forcé de passer. Vite ! Ortheris monta sa hausse à six cents mètres et tira. La balle fit jaillir un panache de poussière auprès d’une touffe de gentianes à la base du rocher.

— Pas mal ! dit Ortheris en rabattant le curseur. Tu vises comme moi, ou même un peu plus bas. Tu tires toujours trop haut. Mais rappelle-toi, le premier coup à moi. Ô Seigneur ! quel après-midi délicieux !

Le fracas de la fusillade devint plus fort, et on