Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/266

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ghanistan ; et pour cela et ceci et ça (Dan désignait les noms des glorieuses batailles) cette espèce de Yank à la raie dans les cheveux vient nous dire tout tranquillement comme il dirait « prenez un verre… » Saint Moïse ! voilà le capitaine !

Mais ce n’était que le sergent-fourrier : il entra comme les hommes achevaient de décamper et trouva le drapeau hors de sa gaine.

De ce jour data la mutinerie des Mavericks, à la joie de Mulcahy et à l’orgueil de sa mère de New-York — la bonne dame qui envoyait de l’argent pour la bière. Jamais, à ce qu’on raconte, il n’y eut pareille mutinerie. Les conspirateurs, menés par Dan Grady et Horse Egan, affluaient journellement. C’étaient des hommes sûrs, à qui on pouvait se fier, et tous voulaient du sang, mais il leur fallait d’abord de la bière. Ils maudissaient la Reine, ils se lamentaient sur le sort de l’Irlande, ils proposaient un affreux saccage du pays indien, et après cela, hélas ! — certains des plus jeunes sortaient et se roulaient sur le sol en proie à des accès d’un rire sardonique. Les Irlandais ont véritablement le génie des conspirations. Malgré cela ils ne voulaient faire d’autres serments que ceux de leur fabrication, lesquels étaient singuliers et bizarres, et ils ne manquaient pas une occasion de faire remarquer à Mulcahy quels risques ils couraient. Naturellement le flot de bière entraînait de la démoralisation. Mais Mulcahy se méprenait sur les causes, et quand un Maverick très gris envoyait son poing sur le nez d’un sergent ou traitait son officier commandant de vieille tête