Page:Klapka - Trois Hommes en Allemagne, traduction Seligmann, 1922.djvu/160

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deux. Vous allez les voir vous-mêmes dans une minute ! Je ne plaisante pas ! C’est exactement ça.

Comme d’habitude en cette saison, les journaux avaient fait paraître quelques articles plus ou moins sérieux sur le serpent de mer ; et je croyais que ce qu’il nous disait s’y rapportait. Un moment de réflexion me fit comprendre que cette chose était impossible, vu que nous nous trouvions en plein centre de l’Europe, à cinq cents lieues des côtes. Avant que j’eusse pu lui poser toute autre question, il me saisit le bras :

— Regardez ! dit-il, est-ce que j’exagère ?

Je tournai la tête et vis ce que peu de mes compatriotes ont eu l’occasion de voir : l’Anglais voyageur d’après la conception continentale, accompagné de sa fille. Ils s’avançaient vers nous, en chair et en os, vivants et palpables, à moins que ce n’ait été un rêve. C’était le « Milord » et la « Miss » anglais, tels que depuis des générations on les caricature dans la presse comique et sur la scène continentale. Ils étaient parfaits en tous points. L’homme était grand et maigre, avec des cheveux couleur de sable, un nez énorme, de longs favoris. Il portait un vêtement de teinte indécise et un long manteau clair lui tombait jusqu’aux talons. Son casque blanc était orné d’un voile vert ; il portait une paire de jumelles en bandoulière et tenait dans sa main, gantée de beurre frais, un alpenstock légèrement plus grand que lui. Sa fille était longue et anguleuse. Je ne puis décrire son