Page:Klapka - Trois Hommes en Allemagne, traduction Seligmann, 1922.djvu/190

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Un beau soir je volai un « hansom-cab » devant un marchand de vin dans Dean Street, et la première chose qui m’arriva fut d’être hélé dans Golden Square par une vieille dame flanquée de trois enfants, parmi lesquels deux pleuraient et le troisième était à moitié endormi. Avant que j’aie pu m’éloigner, elle avait lancé la marmaille dans la voiture, pris mon numéro, m’avait payé un shilling de plus que la taxe, prétendit-elle, et donné comme adresse un point légèrement au delà de ce qu’elle appelait North Kensington. En réalité cet endroit se trouvait à l’autre bout de Willesden. Le cheval était fatigué : le voyage prit plus de deux heures. C’est la distraction la plus ennuyeuse qui me soit échue de ma vie. Je tentai à plusieurs reprises de proposer aux enfants de les ramener chez la vieille dame ; mais chaque fois que je voulais engager la conversation en levant la trappe, le plus jeune des trois se mettait à brailler, et lorsque je demandais à d’autres cochers de prendre le lot, la plupart d’entre eux me répondaient en me chantant une scie populaire, très en vogue à ce moment : « Oh ! George, ne crois-tu pas que tu vas un peu loin ? » L’un d’eux m’offrit de porter à ma femme une pensée dernière que j’aurais pu avoir. Tandis qu’un autre promit d’organiser une expédition pour aller m’exhumer au printemps, à la fonte des neiges. Quand j’avais conçu ma blague, je me voyais conduisant un vieux colonel grincheux dans un quartier perdu et dépourvu