Page:Klapka - Trois Hommes en Allemagne, traduction Seligmann, 1922.djvu/219

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sujet. La vie du chien anglais doit lui peser comme un fardeau. Imaginez un être fort, intelligent et actif, d’un tempérament exceptionnellement énergique, condamné à passer vingt-quatre heures par jour dans une inertie absolue ! Aimeriez-vous cela pour vous-même ? Bien d’étonnant qu’il se sente incompris, qu’il aspire à l’impossible et ne récolte que déboires.

Le chien allemand, au contraire, a de quoi occuper son esprit. Il se sait important et très utile. Observez-le qui s’avance, l’air heureux, attelé à sa voiturette chargée de lait. Nul marguillier ne semble aussi satisfait de lui-même au moment de la quête. Il ne fournit aucun travail véritable ; c’est l’humain qui pousse, et lui qui aboie. C’est ainsi qu’il conçoit la division du travail. Voici ce qu’il se dit :

— Le vieux bonhomme ne peut pas aboyer, mais sait pousser. C’est parfait.

La fierté qu’il tire de ce travail est édifiante. Il se peut qu’un autre chien, le croisant, fasse une remarque désobligeante, jette du discrédit sur la teneur en crème de son lait. Alors il s’arrête subitement, sans tenir aucun compte de la circulation.

— Je vous demande pardon, mais que disiez-vous de notre lait ?

— Je n’ai rien dit de votre lait, répond l’autre chien sur le ton de la plus parfaite innocence. J’avais simplement dit qu’il fait beau temps et demandé le prix de la craie.