Page:Kleist - Contes, t. 2, trad. Cherbuliez, 1832.djvu/109

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seule pensée lui était insupportable : l’enfant auquel elle avait donné l’être dans l’innocence et la pureté de son cœur, et dont l’origine, justement parce qu’elle était mystérieuse, lui semblait divine, se verrait rejeté de la société comme le fruit du déshonneur. Elle imagina alors un singulier moyen de découvrir le père, un moyen qui, si elle y avait d’abord pensé, lui aurait causé un effroi mortel. Toutes les nuits elle avait le sommeil agité, souvent interrompu. Elle avait de la peine à s’habituer à sa singulière position, elle cherchait toujours comment pouvoir découvrir l’homme qui l’avait ainsi dégradée. Sans doute, en quelque lieu de la terre qu’il se trouvât, il devait être de la classe la plus vile et la plus abjecte, mais il fallait qu’elle l’épousât, et le sentiment de son honneur, dont lui seul pouvait relever la