Page:Kleist - Kotzebue - Lessing - Trois comedies allemandes.djvu/36

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Dame Marthe.

Lui, me réparer ma cruche ! Si je prouve mon bon droit, réparer ! Eh ! mettez-la donc là et essayez un peu, mettez-la donc sur ce rebord. Réparer ! Une cruche qui n’a plus de quoi se tenir ni debout, ni assise, ni couchée. Réparer !

Veit.

Ne m’entendez-vous pas ? Qu’avez-vous à glapir de la sorte ? Que peut-on faire de plus, si l’un de nous a cassé votre cruche, que de vous dédommager !

Dame Marthe.

Dédommagée, moi ! Il parle comme une bête à cornes ! Pensez-vous que la justice soit un potier ? Et quand ces messieurs des États-généraux viendraient eux-mêmes, s’attacheraient un tablier sur le ventre et porteraient en cortège ma cruche au four, ils pourraient bien y faire n’importe quoi, excepté la désendommager ! Dédommagée !

Ruprecht.

Laisse-la, père ! Viens avec moi. La mégère ! Ce n’est pas tant pour la cruche cassée qu’elle se tourmente que pour le mariage qui a reçu une rude fêlure et que de force elle voudrait raccommoder ici. Mais j’en mets la main au feu : je veux être damné si je prends cette gourgandine !

Dame Marthe.

L’imbécile ! Raccommoder le mariage ! Le mariage ! Mais il ne vaut pas l’agrafe pour le tenir, il ne vaut pas un des morceaux de ma cruche ! Et s’il était devant moi, tout reluisant, comme hier encore ma cruche sur le rebord de la fenêtre, des deux mains je le saisirais par l’anse et je te le casserais avec fracas sur la tête. Mais je me garderais bien de vouloir le raccommoder ! Ah mais non ! pas de raccommodage !