Page:Kleist - Kotzebue - Lessing - Trois comedies allemandes.djvu/74

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faible, une jeunesse comme ça, à peine confirmée ! ça se gêne encore quand ça voit une barbe de loin ! Ça se laisse faire dans l’ombre, mais quand vient le jour, ça nie tout devant le juge.

Walter.

Vous êtes plein de mansuétude, monsieur le juge, et bien indulgent en tout ce qui concerne la jeune fille.

Adam.

Pour dire la vérité, monsieur le conseiller, son père était un de mes bons amis, et si Votre Grâce veut être clémente aujourd’hui, nous ne ferons pas ici plus que notre devoir et nous laisserons aller la jeune fille.

Walter.

J’éprouve un grand désir, monsieur le juge, de tirer cette affaire au clair. Sois franche, mon enfant ; dis-nous qui a cassé cette cruche. Tu n’es pas ici devant quelqu’un qui ne puisse te pardonner une faute.

Ève.

Monsieur le conseiller, épargnez-moi de vous raconter le fait. Ne pensez rien de mal de ce refus ; c’est un étrange hasard qui, par la volonté du ciel, me ferme la bouche. Si vous voulez, je pourrai jurer sur l’autel que Ruprecht n’a pas touché à cette cruche. Mais pour le reste, les événements d’hier me regardent moi seule. Ma mère ne peut rien exiger de plus à présent. On ne réclame pas toute une pièce tissée parce qu’un fil unique qui traverse la trame vous appartient. Je ne puis pas nommer ici celui qui a cassé la cruche, car il y a des secrets qui ne sont pas miens et qui n’ont d’ailleurs rien à voir avec la cruche. Tôt ou tard, je le confierai à ma mère, mais le tribunal n’est pas le lieu où elle est en droit de l’exiger.

Adam.

En droit, non ! Sur mon âme ! La jeune fille sait ce