Page:Kleist - Kotzebue - Lessing - Trois comedies allemandes.djvu/75

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qu’elle a à faire. Si elle veut prêter serment devant la justice, la plainte de sa mère tombe de ce fait. Il n’y a rien à objecter.

Walter.

Que dites-vous de l’explication, dame Marthe ?

Dame Marthe.

Si je n’y oppose pas à l’instant un argument écrasant, croyez, je vous prie, messieurs, que c’est seulement parce que la stupeur me paralyse la langue ! Il y a des exemples qu’un homme perdu, pour se réhabiliter aux yeux du monde, ait risqué un faux serment devant le tribunal ; mais qu’on puisse se parjurer sur l’autel pour s’attirer le pilori, certes le monde voit cela pour la première fois ! S’il était prouvé qu’un autre que Ruprecht se soit faufilé hier dans sa chambre, si cela était seulement possible, vous me comprenez bien, messieurs, je ne m’arrêterais pas plus longtemps ici. Je lui mettrais, pour commencer, une chaise devant la porte et je lui dirais : Tiens, mon enfant ; là tu ne payeras pas de loyer. Le monde est grand, et comme héritage tu as de longs cheveux avec lesquels — à nouveaux faits, nouveaux conseils — tu pourras te pendre !

Walter.

Du calme, dame Marthe, du calme !

Dame Marthe.

Comme je puis heureusement faire la preuve autrement que par elle, qui me refuse ce service, et comme je suis absolument convaincue que c’est bien Ruprecht et nul autre qui m’a cassé ma cruche, cet entêtement à tout nier me conduit encore à un grave soupçon. La nuit d’hier cachait un autre crime peut-être que le bris de ma cruche ! Il faut vous dire, messieurs, que Ruprecht appartient à la conscription, qu’il doit, dans peu de jours, s’enrôler sous les drapeaux à Utrecht. Beaucoup de jeunes