Page:Krysinska - Intermèdes, 1903.djvu/17

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but des premiers chanteurs et conteurs qui confiaient leurs poèmes à la mémoire seule de leurs contemporains d’avant l’imprimerie.

Mais cette obligation de ménager les plus grandes facilités à la mémoire, ne saurait être la principale préoccupation de la poésie moderne.

C’est dans la plus grande simplification arithmétique appliquée à la mesure que M.  Sully Prudhomme voit l’excellence de la versification : le Moindre effort d’attention étant considéré par lui comme garantie du plus grand plaisir, et du caractère musical le plus marqué.

Selon cette hypothèse, la rime répondant chronométriquement à l’attente, la césure tombant sans faillir aux intervalles prévus — constitueraient le maximum de contentement pour l’oreille conviée à goûter une sensation musicale.

Ceci est discutable[1].

La réalisation stricte d’un tel programme donnerait, et a déjà surabondamment donné avec les mauvais poètes, une intolérable monotonie ; et peut-on prétendre que le rythme obligé d’une marche militaire, soit un rythme préférable et supérieur à celui de tel capricieux ballet (par exemple le ballet des sylphes dans la Damnation de Faust de Berlioz) ou telle danse espagnole pleine de soubresauts nerveux et de fantaisie.

À quelques alinéas plus loin, M.  Sully Prudhomme — esthéticien trop accompli pour méconnaître les vertus de la Surprise en art — la recommande et la vante, après avoir rendu à la Césure ce qui appartient à la Césure (Pardon) !

  1. Le grec Lucien combattait déjà la théorie de M.  Sully Prudhomme dans ses Dialogues des Morts « Chiron — Non Ménippe car le plaisir consiste à mon avis dans la variété et non dans la monotonie »