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mentionner, ne fût-ce qu’à titre de barbare petit Saint-Jean-Baptiste, précurseur, annonçant dès l’an 1883 (par la publication de ses œuvres) la glorieuse nativité pour 1886 du groupe novateur.

Cet humble poste M.  Le Goffic nous le rend dans un article intitulé Les conquêtes du vers français (Revue Universelle, 19 octobre 1901), où il se montre sévère pour la première heure du vers libre qu’il traite d'« amorphe » et de « barbare » et dont il partage l’attribution entre M.  Kahn et moi.

L’incertitude de M.  Le Goffic sur la priorité de l’initiative réformatrice cessera le jour où il voudra faire une visite à la Bibliothèque nationale, où il trouvera des périodiques : Vie moderne, 1882, Le Chat Noir, 1883, La Libre Revue, 1883, Chronique parisienne, 1881, etc., qui contiennent de mes premiers écrits en vers libres, sans qu’aucune date antérieure puisse être invoquée par nos confrères pratiquant cette formule. C’est en 1885, seulement, dans Lutèce, (dirigé par M.  Léo Trézenic) et surtout dans La Vogue, 1886, dirigée par M.  Gustave Kahn, qu’une véritable campagne pour la nouvelle formule fut entreprise sans que, d’ailleurs, nous fussions invitée à figurer dans les rangs.

Au surplus, M.  Kahn se charge lui-même de trancher la question, dans son livre Symbolistes et Décadents (page 29), où, après avoir présenté la genèse de son invention, comme verbalement promenée par lui le long des quais parisiens, penchée sur l’oreille confidente de témoins — morts depuis — Charles Cros, Verlaine, Laforgue, il reconnaît s’être vu « tomber sous les yeux » pendant qu’il faisait son service militaire en Algérie, le premier spécimen de vers libres, publiés dans la Vie moderne (1883), « il était signé d’une personne… » spécifie M.  Kahn. C’était moi, « la personne » et