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métrique, la richesse des rimes, les complications, signalent l’objectif et la recherche des plus primitifs troubadours provençaux : Foulque, Fauriel, Arnauld Daniel, l’inventeur de l’ahurissante Sixtine.

À ses premiers pas au XIIe siècle siècle, la langue romane cherchant son autonomie hors l’influence latine, subit l’empreinte arabe, la suit dans ses minuties, adopte sa volute symétrique, s’astreint à la rime, inconnue aux latins et aux hébreux.

Donc la règle — parnassienne avant la lettre — avec ses rigueurs se place à l’origine de la poésie, alors que la langue française — selon le mot de M.  Lucien Victor Meunier — « bégayait encore. »

Citons quelques vers de Bertram de Born (XIIe siècle).

E play mi, quan li corredor
Fan las gens els avers fugir ;
E plai me quand vey aprop lor
Gran ren d’armatz ensems brugir ;
Et ai gran alegratge,
Quan vey fortz castelh assetjatz
Et murs foudre e derocatz
E vey l’ost pel ribatge
Qu’es tot entorn claus de fossatz,
Ab lissas de fortz pals serratz.

Dans le premier quatrain toutes les malices du parnasse sont déjà pratiquées, jusqu’à l’alternance des rimes. Quant aux six vers suivants, ils sont monorimes et nous paraîtraient insupportables aujourd’hui. Ce dispositif est très en faveur chez les troubadours du XIIe siècle.

L’émancipation de la langue vulgaire, son effort progressif pour se dégager de toute influence étrangère ont marqué sa marche en avant.