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poème des Nibelungen ; il l’appelle même, quelque part, « un acte complémentaire du Ring ». Déjà Simmrock, dans sa préface à l’édition du poème allemand de Tristan, avait fait remarquer que cette légende était, entre toutes, celle qui se rapprochait le plus de la légende de Siegfried. Aussi Wagner, développant cette idée, a-t-il pu dire qu’en esquissant Tristan et Iseult, il lui semblait ne pas sortir du cadre des impressions poétiques et mythiques éveillées en lui par la composition des Nibelungen. Dans le conflit passionnel qui met en présence Tristan et Iseult, il voyait une variation de celui qui s’élève entre Siegfried et Brunnhilde. Comme tous les grands mythes, les deux légendes lui paraissaient avoir de très proches rapports entre elles.

« De même, dit-il, que dans le langage, par la modification d’une voyelle, un même vocable peut former deux mots ayant un sens très différent, dans ces deux légendes, par une transposition analogue des circonstances de temps, la même donnée mysthique produit des rapports en apparence distincts. L’analogie consiste en ce que Tristan, tout comme Siegfried, recherche en mariage, pour un autre et sous l’empire d’une illusion, la femme qui lui est destinée à lui-même par la loi primitive ; des incompatibilités qui naissent de cette situation résulte sa propre perte. Tandis que le poète de Siegfried, s’attachant surtout à la synthèse du mythe des Nibelungen, a dû se borner à montrer le héros succombant à la vengeance de la femme aimée, qui se sacrifie avec lui, le poète de Tristan a pris pour sujet principal la peine d’amour à laquelle les deux amants sont condamnés jusqu’à la mort, dès qu’ils