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ont conscience de leurs véritables sentiments. Dans Tristan, on trouvera plus clairement et plus largement développé ce qui est exprimé sommairement dans Siegfried : la mort par détresse d’amour[1]. »

Le rapport entre les deux œuvres est assez étroit, on le voit. Ainsi s’explique la coïncidence des premières esquisses de Tristan avec la composition de la Walkyrie et l’obsession que ce sujet exerça sur Wagner au point de l’empêcher finalement de continuer l’Anneau du Nibelung.

Une fois prise la résolution de travailler à Tristan, il s’y consacra avec une ardeur fébrile. En parcourant les lettres de cette époque à ses amis Liszt et Uhlig, on demeure frappé de la force singulière d’illusion qui, en quelques heures, transforme son abattement et ses désespérances de la veille en une exaltation qui supprime tous les obstacles, l’élève au-dessus de tous les déboires, l’emporte d’un seul élan à des distances énormes de son point de départ.

L’œuvre n’était pas même commencée, pas une ligne n’en était composée, le plan n’en était peut-être pas définitivement arrêté, que déjà il prenait en imagination ses dispositions pour la faire représenter. Le 28 juin 1857, il écrit à Liszt :

« Me voilà résolu à m’aider moi-même, je suis bien décidé à développer immédiatement l’esquisse de Tristan et Iseult dans des proportions qui rendront son exécution facile. Dans un an, je le ferai

  1. Epilogue sur la composition et la représentation des Nibelungen, page 378-79, tome vi des Gesammelte Schriften.