Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/105

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que tu saches que, de même que de la racine d’un arbre coupé on voit souvent pousser quatre ou six rejetons, mon obstination malheureuse, bien que tranchée par des échecs successifs, ne cesse pas de germer et voudrait arriver à la satisfaction de son désir.

" Et je le désire non pas tant pour le plaisir même que parce que je voudrais surmonter cette épreuve ; et, ne pouvant le faire en réalité, ce me sera encore une joie si je le fais en imagination. Je veux que, quand tu me reçois, alors que Ginevra est couchée nue dans son lit, tu prennes les vêtements qu’elle a coutume de porter, et que tu t’en revêtes.

" Etudie-toi à l’imiter dans sa manière d’orner et de disposer ses cheveux ; cherche le plus que tu sauras à lui ressembler, et puis tu viendras sur le balcon jeter l’échelle. J’irai à toi, m’imaginant que tu es celle dont tu auras pris les habits. Et ainsi j’espère, me trompant moi-même, voir en peu de temps mon désir s’éteindre. »

« Ainsi dit-il. Pour moi, qui étais séparée de ma raison et loin de moi-même, il ne me vint pas à l’esprit que ce qu’il me demandait avec une persistante prière était une ruse par trop évidente. Du haut du balcon, sous les habits de Ginevra, je lui jetai l’échelle par laquelle il montait souvent, et je ne m’aperçus de la fourberie que lorsque tout le dommage en fut advenu.

« Pendant ce temps, le duc avait eu l’entretien suivant, ou à peu près, avec Ariodant : — De