Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/108

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planter. Je n’en cherche pas davantage, et je ne désire pas avoir de témoignage plus marquant de son amour. Et je ne voudrais plus rien, sinon ce qui par Dieu est permis en légitime mariage. Du reste, demander plus serait vain, car je sais qu’en sagesse elle surpasse tout le monde."

« Après qu’Ariodant eut exposé avec sincérité ce qu’il attendait comme prix de ses soins, Polinesso, qui déjà s’était proposé de rendre Ginevra odieuse à son amant, commença ainsi : "Tu es de beaucoup distancé par moi, et je veux que tu l’avoues toi-même, et qu’après avoir vu la source de mon bonheur, tu confesses que moi seul suis heureux.

"Elle dissimule avec toi ; elle ne t’aime ni ne t’estime, et tu te repais d’espérance et de paroles. En outre, elle ne manque pas de se railler de ton amour toutes les fois qu’elle s’entretient avec moi. J’ai de sa tendresse pour moi une bien autre preuve que des promesses ou de simples bagatelles. Et je te la dirai sous la foi du secret, bien que je fisse mieux de me taire.

"Il ne se passe pas de mois, sans que trois, quatre, six et quelquefois dix nuits, je ne me trouve nu dans ses bras, partageant avec elle ce plaisir qu’on goûte dans une amoureuse ardeur. Par là, tu peux voir si à mon bonheur doivent se comparer les babioles que tu donnes comme des preuves. Cède-moi donc la place et