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CHANT V.

pourvois-toi ailleurs, puisque tu vois que tu m’es si inférieur. — »

« — En cela je ne veux pas te croire — lui répondit Ariodant — et je suis certain que tu mens. Tu as imaginé en toi-même tous ces mensonges, afin de m’effrayer et de me détourner de mon entreprise. Mais comme ils sont par trop injurieux pour Ginevra, il faut que tu soutiennes ce que tu as dit. Et je veux te montrer sur l’heure que non seulement tu es un menteur, mais encore un traître. — »

« Le duc repartit : « — Il ne serait pas juste que nous en vinssions à bataille pour une chose que je puis, quand il te plaira, te faire voir de tes propres yeux. — » À ces mots, Ariodant reste éperdu ; un frisson lui parcourt tout le corps ; il tremble, et s’il eût cru complètement à ce qu’on lui avait dit, il en serait mort sur-le-champ.

« Le cœur brisé, le visage pâle, la voix tremblante et l’amertume à la bouche, il répondit : "Quand tu m’auras fait voir une si étonnante aventure, je te promets de renoncer à celle qui t’est si libérale et à moi si avare. Mais je ne veux pas te croire avant de l’avoir vu de mes yeux."

« — Quand il en sera temps, je t’avertirai — répliqua Polinesso. — » Et ils se séparèrent. Je crois qu’il ne se passa pas plus de deux nuits sans que j’ordonnasse au duc de venir me voir. Afin donc de déployer les lacs qu’il avait si se-