Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/116

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« Je ne pense pas, seigneur, que tu ignores que notre loi condamne à mort toute dame ou damoiselle convaincue de s’être livrée à un autre que son époux. Elle est mise à mort, si, au bout d’un mois, il ne se trouve pas un chevalier assez vaillant pour soutenir son innocence contre l’accusateur, et prouver qu’elle ne mérite pas de mourir.

« Le roi, dans l’espoir de la sauver, a fait publier — car il croit que sa fille est accusée à tort — que son intention est de la donner pour femme, avec une grande dot, à qui la tirera de l’infamie dont elle est victime. Mais on ne dit pas qu’aucun guerrier se soit encore présenté pour elle. Tous se regardent les uns les autres, car ce Lurcanio est tellement fort aux armes, qu’il semble que tout guerrier ait peur de lui.

« Le sort cruel veut que Zerbin, frère de Ginevra, soit hors du royaume. Depuis plusieurs mois déjà, il voyage, donnant de la valeur de ses armes des preuves éclatantes. Si ce vaillant chevalier se trouvait moins loin, et dans un lieu où il pût savoir à temps la nouvelle, il ne manquerait pas de venir au secours de sa sœur.

« Entre-temps, le roi, qui cherche à savoir, au moyen d’autres preuves que les armes, si ces accusations sont fausses ou vraies, si sa fille est restée pure ou est devenue coupable, a fait arrêter quelques-unes de ses suivantes, lesquelles, si la chose est vraie, doivent le savoir. J’ai compris par là que si j’étais aussi arrêtée, trop de périls en résulteraient pour le duc et pour moi.