Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/125

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serait trop amère et trop misérable si, avant moi, je la voyais mourir. Elle est toujours ma dame, ma déesse ; elle est la lumière même de mes yeux. Je dois, qu’elle soit innocente ou coupable, entreprendre de la délivrer et mourir sur le champ du combat.

« Si j’entreprends une cause mauvaise, c’est à elle qu’en sera la faute, et moi j’en mourrai ; et cela ne me décourage pas, car je sais que ma mort entraînera la mort d’une si belle dame. Une seule pensée me consolera en mourant, c’est qu’elle aura pu voir que ce Polinesso, à qui elle a donné son amour, ne s’est pas même présenté pour la défendre.

« Et moi qu’elle a si grandement offensé, elle m’aura vu courir à la mort pour la sauver. Je me serai aussi par là vengé de mon frère qui a allumé un tel feu. Et je le ferai gémir sur le résultat de sa cruelle entreprise, quand il saura qu’en croyant venger son frère, il lui a donné la mort de sa propre main. »

Dès qu’il eut arrêté cela dans son esprit, il se procura de nouvelles armes, un nouveau cheval, choisit une cotte de mailles et un écu noirs, bordés de vert et de jaune. Et, ayant par aventure trouvé un écuyer étranger au pays, il l’emmena avec lui. C’est alors que, sans être connu, il se présenta, comme je l’ai déjà dit, contre son frère qui attendait tout armé.

Je vous ai raconté l’issue du combat, et comment Ariodant fut reconnu. Le roi n’en eut pas