Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/140

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étranges à la fois, qu’au mortel qui les aurait regardées et contemplées, il aurait fallu un œil divin pour les apprécier dignement. Telle serait la Beauté, si elle pouvait avoir un corps, et telle aussi la Grâce.

L’une et l’autre s’avancèrent dans le pré où Roger était aux prises avec la foule ignoble. Toute cette tourbe disparut à leur aspect. Alors elles tendirent la main vers le chevalier qui, le visage coloré de rose, les remercia de leur humanité. Et ce fut avec un vif contentement que, pour leur complaire, il retourna vers la porte d’or.

L’ornementation qui court tout autour du fronton de la belle porte, et fait saillie, n’a pas une de ses parties qui ne soit couverte des pierres précieuses du levant les plus rares. Les quatre côtés reposent sur de grosses colonnes de pur diamant. Que ce diamant soit véritable, ou trompe simplement les yeux, il n’existe pas chose plus belle et plus riante.

Sur le seuil, hors des colonnes, couraient en jouant de lascives donzelles qui, si elles avaient conservé la modestie convenant aux dames, auraient encore été plus belles. Elles étaient toutes vêtues de robes vertes et couronnées de fleurs nouvelles. Par leurs offres répétées et leur air engageant, elles font entrer Roger dans ce paradis.

Car on peut bien nommer ainsi ce lieu où je crois qu’Amour a dû naître. On n’y voit que danses et que jeux, et les heures s’y dépensent en fête perpétuelle. Là, les pensées sérieuses ne sauraient, peu ou prou, s’emparer du cœur. Là n’entrent