Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/141

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jamais le malheur et la pauvreté, et l’Abondance y a toujours sa corne pleine.

Là, parmi le gracieux Avril, au front joyeux et serein, et qui rit sans cesse, sont de jeunes hommes et de belles dames. Celui-ci, près d’une fontaine, chante d’un ton doux et mélodieux. Celui-là, à l’ombre d’un arbre, cet autre sur la colline, joue, danse, ou se livre à quelque noble amusement. Celui-ci, loin de tous les regards, découvre à sa fidèle amie ses amoureux tourments.

Par les cimes des pins et des lauriers, des hêtres élevés et des sapins agrestes, volent en se jouant de petits amours. Les uns sont tout joyeux de leurs victoires, les autres, cherchanfà darder les cœurs avec leurs flèches, visent ou tendent leurs rets. Ceux-ci trempent leurs dards dans un petit ruisseau qui coule plus bas ; ceux-là les aiguisent sur les cailloux légers.

On donna alors à Roger un grand coursier fort et vaillant, au poil alezan, et dont le bel harnachement était tout enrichi de pierres précieuses et d’or fin. Et le cheval ailé, qui avait été dressé à l’obéissance par le vieux Maure, fut laissé en garde à un jeune garçon, et conduit à pas plus mesurés derrière le brave Roger.

Les deux belles jeunes filles amoureuses par lesquelles Roger avait été débarrassé de l’ignoble foule, de cette foule ignoble qui s’opposait à ce qu’il continuât le chemin qu’il avait pris à droite, lui dirent : « Seigneur, vos éclatants faits d’armes, dont nous avons déjà entendu parler, nous en-