Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/142

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hardissent à vous demander votre aide pour nous-mêmes.

« Nous trouverons bientôt sur notre route un marais qui sépare cette plaine en deux parties. Une créature féroce, appelée Éryphile, défend le pont, et, par la force ou par la ruse, arrête quiconque désire aller sur l’autre rive. Elle est d’une stature gigantesque. Elle a de longues dents et sa morsure est venimeuse. De ses ongles crochus, elle déchire comme un ours.

« Outre qu’elle barre toujours notre chemin, qui sans elle serait libre, elle court souvent par tout le jardin, détruisant une chose ou une autre. Sachez que, parmi la populace assassine qui vous a assailli hors de la belle porte, beaucoup sont ses fils ; tous lui sont soumis, et sont comme elle inhospitaliers et rapaces. »

Roger répondit : « Ce n’est pas une bataille, mais cent, que pour vous je suis prêt à livrer. De ma personne, en tant qu’elle vaille, disposez selon votre désir. Si j’ai revêtu le haubert et la cote de mailles, ce n’est pas pour acquérir fortune ou domaines, mais uniquement pour aider les autres, et surtout les dames aussi belles que vous. »

Les dames lui adressèrent force remerciements dignes d’un chevalier comme lui. Ainsi raisonnant, ils arrivèrent à l’endroit où étaient le marais et le pont, et ils y virent la fiere géante sous une armure d’or ornée d’émeraudes et de saphirs. Mais je remets à l’autre chant pour dire comment Roger se risqua à l’attaquer.