Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/171

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que cela ne lui réussit pas, et qu’elle ne veut pas rester plus longtemps avec lui, il accable son âne de cent coups pour activer son pas tardif. Le plus souvent au pas, quelquefois au trot, il va sans permettre à sa bête de s’arrêter.

Et comme Angélique s’était tellement éloignée que, d’un peu plus, il aurait perdu sa trace, le moine retourne à sa grotte obscure et évoque une troupe de démons. Il en choisit un dans toute la bande, et, tout d’abord, l’informe de ce qu’il aura à faire ; puis il le fait entrer dans le corps du coursier qui emporte loin de lui sa dame et son cœur.

Souvent un chien bien dressé et habitué à chasser sur la montagne les renards et les lièvres, voyant la bête aller d’un côté, prend par un autre, et semble dédaigner de suivre la trace. Mais à peine le voit-on arrivé au passage, qu’il l’a dans la gueule, lui ouvre le flanc et la dévore. Ainsi l’ermite, par une voie détournée, rejoindra la dame où qu’elle aille.

Ce que peut être son dessein, je le comprends fort bien, et je vous le dirai aussi, mais dans un autre moment. Angélique ne soupçonnant en rien. ce danger, cheminait, faisant chaque jour une plus ou moins longue étape. Et déjà, le démon est caché dans son cheval. Ainsi, parfois, le feu couve, puis devient un si grave incendie, qu’on ne peut l’éteindre et qu’on y échappe avec peine.

Quand la dame fut arrivée près de la grande mer qui baigne les rivages gascons, elle fit mar-